
Twist again - 4 questions à Sylvie Allouche
#1 Aziz, Mourad, Bruno, Juliette, Souad, Jamal... Quelles préoccupations ont en commun les adolescents de votre roman ?
S’en sortir ! Ils vivent au jour le jour, et pour la plupart, n’ont aucun projet d’avenir. Grandir dans une cité « difficile » n’est pas anodin et on n’en sort pas indemne. Mais on peut y arriver, Juliette en est la preuve. Elle est partie étudier à Paris. Elle ne veut pas croire en une fatalité qui condamnerait les jeunes à errer entre les murs bétonnés de leur cité. Ils peuvent faire quelque chose de leur vie, même si c’est beaucoup plus compliqué lorsque votre quotidien est réglementé par des garçons violents, imprévisibles et dangereux, comme Jamal et Zac. Ceux-là ont fait le mauvais choix. Alors pourquoi et à quel moment bascule-t- on du mauvais côté ? Quoiqu’il en soit, ce sont des adolescents comme les autres, ils éprouvent la joie et le doute des amours naissantes (Juliette et Bruno), scellent des amitiés inébranlables (Aziz et Mourad), font preuve de courage face au danger (Ben face à Jamal).
#2 D’où vous est venue l’idée de deux enquêtes parallèles, l’une dans la cité des Fleurs et l’autre dans les quartiers chics de Paris ?
J’aime entraîner le lecteur d’un endroit à un autre, mais sans jamais le perdre. Dans le roman, il y a toujours une connexion entre les deux univers. Celle-ci se fait par le biais des personnages. Pendant que le commissaire Massouda traque l’assassin de la jeune Sophie à la cité des Fleurs, Juliette -sa propre fille- est la cible d’individus louches à Paris. Ce qui me paraît intéressant également, c’est de montrer que personne n’est à l’abri de s’engager sur une mauvaise voie. Se droguer, dealer n’est pas réservé aux jeunes des cités. On le constate en découvrant Thibaud, un garçon de bonne famille, comme on dit, qui vit dans le 16e, est fils d’un haut fonctionnaire, et pourtant...
#3 Quel message font passer les adultes, dans cette histoire ? Parmi eux, de qui vous sentez-vous le plus proche et pourquoi?
Ils sont indispensables à mon histoire. Ils représentent les repères essentiels qui structurent la vie de ces adolescents. Ce sont pour la plupart des parents : Suzanne, la mère des jumeaux Ben et Bruno; Mémé, la grand-mère de Mourad et de Mina; Farès, le père d'Aziz; Haroun, le père de Juliette, qui représente également l'autorité en tant que commissaire. Ils ne sont pas pour autant tous des anges, les rapports avec leurs enfants peuvent être conflictuels. Comme dans la vraie vie ! Je suis proche de tous mes personnages. Je suis chacun d'eux au moment où ils apparaissent sous ma plume. Je suis tout autant dans la folie de Jamal que dans la détresse d'Aziz. Comme le commissaire, je sens l'adrénaline monter en moi en poursuivant Zac. Je tremble avec Suzanne pour ses fils et je ris avec Mémé en préparant de bons petits plats.
#4 Comment faites-vous pour manier les voix d'autant de personnages si différents avec une telle justesse, comme si leur quotidien se déroulait devant vous ? On a presque l'impression de regarder une excellente série...
Je l'avoue, c'est un vrai casse-tête ! Tous les personnages ont été longuement pensés. Peu à peu ils deviennent réels et me guident dans mon histoire. Ils ont tous une manière différente de s'exprimer, alors je travaille beaucoup les dialogues. Je les dis souvent à voix haute (mes dix années de théâtre m'aident énormément à ce moment-là). S'ils ne "sonnent" pas juste à mon oreille, je ne les garde pas, je cherche autre chose. L'écriture de ce roman devait être très visuelle afin de plonger le lecteur immédiatement dans l'action et dans l'émotion. Tout est question de rythme et de justesse. Lorsque les deux se combinent, le sens s'impose. Effectivement, on n'est pas loin d'une écriture cinématographique, qui laisse une très grande place aux dialogues. Sans doute mon envie d'écrire des scénarios se fait-elle sentir... (Avis aux producteurs).