
Stabat Murder - 4 questions à Sylvie Allouche
#1 Dès le premier chapitre de Stabat Murder, on est sous le choc et incapable de stopper sa lecture : pouvez-vous nous parler de la construction particulière de ce début de roman et de ce qu’on y découvre ?
L’espace-temps est effectivement un peu bousculé… J’ai voulu rapidement mettre le lecteur au centre de ce que j’ai appelé « Le Cube ». Le faire plonger avec Matthis, Mia, Valentin et Sacha dans cet endroit obscur et froid où ils sont séquestrés. Puis remonter à la surface grâce à des flash-back pour y prendre (moi y compris) une grande bouffée d’air pur. On découvre alors les quatre jeunes pianistes quelques jours avant l’enlèvement. On les voit évoluer au Conservatoire, on assiste à leurs cours, on écoute les conseils de leur professeur Laurent Sabonès. On rencontre leur famille. Tous ceux qu’ils ne verront peut-être plus… Puis très vite, on retourne dans Le Cube où les quatre jeunes s’épuisent à trouver des solutions pour s’en sortir. Tout était question de rythme, afin de garder le lecteur en haleine, comme en musique finalement.
#2 À 17 ans, Valentin, Matthis, Mia et Sacha sont des pianistes virtuoses qui préparent le concours de leur vie : de quelle manière êtes-vous entrée dans l’esprit de ces jeunes musiciens promis à un avenir d’exception ?
Lorsque je me suis lancée dans cette« aventure musicale », j’ai beaucoup lu sur le sujet, mais surtout, j’ai rencontré des musiciens, notamment une pianiste japonaise remarquable, Remi Masunaga, qui m’a présenté Laurent Cabasso, professeur au CNSM. J’ai pu assister à plusieurs de ses cours. Parmi les étudiants, certains s’apprêtaient à passer un concours international ! Je tenais là mes personnages. Leur niveau était si remarquable que je leur aurais attribué un prix à tous ! Je ne me lassais pas d’écouter les conseils que Laurent Cabasso leur prodiguait, sa façon d’être avec eux, sa grande attention, sa passion. Et lorsqu’il a évoqué Nadia Boulanger et Paul Valery, j’étais conquise. Je ne le remercierai jamais assez de m’avoir fait partager ces moments qui ont merveilleusement nourri mon roman.
#3 En parallèle, on suit l’enquête policière du point de vue de Clara Di Lazio, une commissaire charismatique, au passé chargé...qui pourrait bien être la véritable héroïne de l’histoire, non ?
Oui, c’est elle qui mène la danse. Il était très tentant pour moi de faire de Clara une super flic, une super nana, une super tout. Mais non, j’ai choisi de mettre en avant son côté humain et vulnérable. Ce personnage a vraiment pris toute son ampleur au fur et à mesure de l’écriture. Il a grandi dans mon esprit petit à petit. Clara est très douée, elle ne mâche pas ses mots, elle sait ce qu’elle veut, certes, mais elle avance avec ses peurs, ses doutes et une douleur qui ne la quittera sans doute jamais : la disparition de son jeune frère, Vincent, dix-sept ans plus tôt, et qui n’a jamais été retrouvé. Aussi, lorsqu’on lui confie l’enquête des quatre étudiants disparus, le passé refait surface, violent, brutal… Va-t-elle retrouver son frère en cherchant les autres ? Pourra-t-elle faire la part des choses ? Tout se bouscule dans sa tête, mais elle tiendra le cap.
#4 Le « Stabat mater » est un texte du XIIIe siècle qui évoque la souffrance de la Vierge Marie, au pied de la croix. Il a été rendu célèbre par de nombreux compositeurs, de Vivaldi à Arvo Pärt. Pouvez-vous nous expliquer le lien avec votre titre, Stabat Murder ?
Lorsque j’étais étudiante en théâtre, une amie m’avait prêté sa chambre de bonne à la Cité Universitaire. Il y avait, posé par terre, deux disques : le Requiem de Mozart et le Stabat Mater de Pergolèse. Une nuit blanche musicale s’en est suivie. Tant de génie et de pure beauté m’ont bouleversée. J’ai ressenti la puissance émotionnelle intense de cette musique sans pouvoir la définir exactement. Les chœurs du Requiem m’ont touché au cœur, et les voix du Stabat Mater m’ont arraché des larmes. Expressivité, empathie, simplicité… c’est admirable. La musique ne m’a plus quittée depuis. Lorsque j’ai imaginé mon roman, son titre, Stabat Murder, m’est venu très naturellement. J’aime jouer avec les mots, les sons, les allitérations. Il me fallait seulement trouver la bonne « note ». Le premier vers en latin du Stabat Mater est « Stabat Mater dolorosa », que l’on peut traduire ainsi : « La Mère se tenait debout, malgré sa douleur… ». Une mère qui pleure son enfant perdu, c’est une scène tragique intemporelle. Dans mon roman, toutes les mères se « tiennent debout » et affrontent, chacune à leur manière, l’angoisse et l’inquiétude qui les rongent face au danger qui menace leurs enfants.