
Snap killer - 5 questions à Sylvie Allouche
Dans ce roman, vous nous faites suivre une enquête policière passionnante, depuis son point de départ : le corps d’un adolescent retrouvé sans vie dans la cour de son lycée. Il va falloir interroger des centaines d’élèves, faire parler les maigres indices. Comment avez-vous construit votre histoire ?
En m’arrachant quelques cheveux et en faisant travailler mes méninges à plein régime... Dans un souci de rythme, mes histoires ne sont jamais linéaires, ce qui ajoute de la difficulté à l’écriture du récit. Dans Snap Killer, on découvre des personnages dans leur vie quotidienne six mois plus tôt. On vit à leur rythme, on les suit pas à pas, on s’attache à eux. Puis survient le drame, et c’est alors qu’entrent en scène Clara Di Lazio et son équipe : Clément, Nathan, Louise et Gauthier — un nouveau dans le groupe avec, lui aussi, sa part d’ombre. L’enquête avance dans toutes les directions à la fois, tâtonne, et lentement la vérité se fait jour. Dans la vraie vie, on ne résout pas un problème en claquant des doigts, cela doit aussi se ressentir dans le roman : égarer le lecteur sans jamais le perdre, faire monter progressivement la tension dramatique participent à la construction du récit.
Comme l’évoque le titre de Snap Killer, votre roman parle de l’échange et du partage de l’information à l’heure des réseaux sociaux : tout va très vite, pour le meilleur et pour le pire. Et le pire, c’est le cyber-harcèlement. Que vouliez- vous dire à vos lecteurs ?
Lorsque j’ai commencé à écrire ce roman, une jeune fille de 13 ans venait de se défenestrer en se jetant du douzième étage. C’est d’une violence inouïe. Au moins un élève sur dix est victime de harcèlement physique ou via les réseaux sociaux durant sa scolarité et beaucoup se donnent la mort chaque année ; des filles surtout, mais des garçons aussi. En me documentant pour le roman, j’ai lu des tonnes de témoignages et de récits, participé à des forums pour essayer de comprendre. Leur détresse et leur souffrance sont intolérables et je n’ai pu rester indifférente à cette situation dramatique. Je n’écris généralement pas pour « envoyer » un message à mes lecteurs, mais si mon roman peut leur faire ouvrir les yeux sur ce problème grave, tant mieux. Le projet « Sentinelle » que j’évoque dans le roman existe vraiment et je suis certaine que tous les chefs d’établissement se sentiront concernés par cette initiative. Voilà pourquoi et comment Snap Killer est né.
La commissaire Clara Di Lazio, qui mène l’enquête, était aussi l’enquêtrice de votre roman Stabat Murder. Elle est si incarnée qu’on croit la connaître vraiment. Comment avez-vous travaillé ce personnage ?
Mentalement d’abord. Je l’imagine, je l’entends, je la vois. Puis j’attends que le personnage s’impose dans ma tête, ça peut durer plusieurs jours — ceci est valable pour beaucoup de mes personnages —, et s’il résiste à mes questionnements, c’est qu’il peut être incarné. Les mots, ensuite, lui donnent corps, façonnent son allure et son caractère. Au fur et à mesure que Clara prenait vie sous ma plume, j’avais envie de la connaître davantage. Elle s’emporte souvent, elle est intelligente, franche et directe, trop parfois ; elle peut déraper aussi et je dois veiller à ce qu’elle ne passe pas les bornes ! Elle observe beaucoup, elle est à l’écoute et très proche de son équipe. Clara est également une femme de pouvoir, mais elle n’en abuse pas. Elle est forte bien sûr, mais elle est avant tout humaine. Elle évolue avec ses doutes, ses blessures, ses faiblesses. C’est, je pense, ce qui la rend si touchante et réaliste.
Les relations familiales sont au cœur de votre travail. Parlez- nous du personnage de Lilo, la nièce de Clara, qui débarque tout à coup dans sa vie...
La famille — biologique ou non, recomposée ou pas — constitue les fondations sur les- quelles chaque individu va s’appuyer pour évoluer dans la vie. La famille m’intéresse parce que c’est un vivier où cohabitent des sentiments contradictoires : l’amour, la solitude, la confiance, l’incompréhension, la connivence, la haine, la violence, etc. J’aime explorer et observer toutes ces facettes. Ici, Clara est brouillée avec sa sœur Lisa depuis des années. La disparition mystérieuse de leur jeune frère Vincent les a séparées. Lorsque sa nièce Lilo fait irruption dans sa vie de manière tout à fait inattendue, la commissaire est à la fois dépassée et heureuse de la retrouver. C’est à présent une jeune fille, vive, drôle, curieuse, qui n’aura de cesse d’étonner Clara. Avec elle surgit aussi dans la vie de la commissaire le monde ultrarapide des ados. Mais en côtoyant sa tante, Lilo va, malgré elle, être mêlée à l’enquête et se trouver très exposée...
Peut-on espérer retrouver le personnage de Clara dans de futures enquêtes ? Dites-nous oui !
Ce que je peux vous dire, c’est que j’aime mes personnages et que je n’ai pas trop envie de les abandonner pour l’instant. Et puis une nouvelle idée me trotte dans la tête depuis quelques jours, alors...
Sylvie Allouche se partage entre la photographie (expositions, publications) et l’écriture. Elle est photographe pour l’agence internationale Bridgeman-Giraudon spécialisée en histoire de l’art. Elle commence sa carrière d’écrivain en rédigeant 26 volumes de la collection Il était une fois l’homme, et participe à plusieurs ouvrages documentaires consacrés à l’histoire des civilisations. Depuis une dizaine d’années, elle se consacre à la fiction jeunesse.
Pour en savoir plus : http://www.sylvie-allouche.net/
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