
Never Ever - 5 questions à Marie Leymarie
Never Ever, c’est « plus jamais ». Mais « plus jamais » quoi ?
Au départ, c’est un clin d’oeil. Natacha jure de ne plus tomber amoureuse. Bien sûr, personne n’y croit. C’est une manière légère d’évoquer le thème principal du roman, la dépendance amoureuse – mais pas dans un sens pathologique. Pour moi, c’est une question quasi universelle. Comment fait-on avec le désir d’être aimé ? Est-ce qu’on joue un rôle pour plaire ? Est-ce qu’on se cuirasse pour ne pas souffrir ? Est-ce qu’on se jette au cou de tous ceux qui passent ? Est-ce qu’on s’enferme dans sa chambre pour écrire des chansons d’amour ?
Franck est amoureux d’une seule fille sans réussir à le lui dire. Natacha sort avec de très nombreux garçons sans être heureuse. Qu’est-ce qui relie vos deux personnages ?
Tous deux sont très sensibles, chacun à sa manière, et ils ont tous les deux un immense besoin d’être aimés. Franck se réfugie dans le rêve d’une Personne Idéale, tandis que Natacha essaie de combler le manque, non par la quantité, mais en faisant en sorte qu’il n’y ait pas de vide, c’est-à-dire en enchaînant les relations. Mais comme elle n’est pas cynique, à chaque histoire, elle y croit, au prix d’un mensonge qu’elle se fait à elle-même sur les garçons qu’elle rencontre. Elle aussi doit se dépêtrer du rêve si elle veut réussir à être heureuse. En somme, ce sont deux rêveurs. Franck ne se frotte pas assez à la réalité, mais il est lucide sur ceux qui l’entourent. Natacha vit beaucoup d’expériences, mais ne voit pas la réalité telle qu’elle est, et elle n’apprend pas de ce qu’elle vit.
Franck, qui fait preuve d’une ironie mordante, horripile ses parents et ses profs, qui n’ont pas toujours son répondant. Où puisez-vous l’idée de toutes ces « dingueries » inventées par Franck ?
Ah, ça… C’est le mystère de l’écriture. Je ne vois pas mes personnages de l’extérieur. Je me mets « dans la peau » de Franck, et ça vient tout seul. Ou pas, d’ailleurs. Il y a des jours où ça ne vient pas du tout ! C’est aussi le plaisir de se surprendre soi-même, et de se relire en ne se reconnaissant pas.
Il faut préciser que les personnages de cette histoire, je les ai inventés au collège/lycée, et qu’ils m’ont accompagnée très longtemps. Franck était un rayon de soleil qui me permettait de tenir bon face à l’ennui, à la frustration du quotidien et des relations adolescentes.
Franck et Natacha suscitent de l’incompréhension autour d’eux. Mais le lecteur, lui, les adore. Est-ce le rôle de la littérature, que de nous rendre proche de ce qui est loin de nous ?
Oui, sûrement. La littérature, c’est le moyen de briser la carapace des apparences. Et Franck et Natacha sont touchants, je crois, parce qu’ils sont humbles dans leur besoin d’être aimés et généreux, l’un et l’autre, pas du tout égoïstes. Tous deux, également, ne correspondent pas aux normes sociales, à ce qu’il est « convenable » d’être en tant que garçon et fille. Et en cela, ils sont plus « vrais » que beaucoup d’ados, qui masquent souvent leur fragilité sous la frime ou en s’enfermant dans des stéréotypes. C’est courageux, car ils le paient assez cher (la solitude, l’incompréhension, le mépris…).
On se sent si bien dans votre roman qu’on pourrait cheminer encore longtemps avec vos personnages. Est-ce l’effet « bande d’ados » ? Comment vous y prenez-vous pour donner corps à tous ces personnages ?
C’est vrai qu’il y a énormément de chaleur humaine et de vitalité dans les bandes d’ados. Ils ne sont pas enfermés dans une identité, ils se cherchent, et pour se trouver vont à la rencontre des autres. Je crois que mes personnages sont vivants, parce qu’ils existent pour moi depuis très longtemps. J’ai passé des centaines d’heures avec eux, ils m’ont aidée à me construire, ils m’ont permis de découvrir la vie. Si je les avais inventés pour les besoins du roman, ils auraient sûrement moins d’épaisseur, peut-être moins de contradictions et… du même coup moins de réalité.
Née en 1974 à Orléans, Marie Leymarie a d’abord fait des études de russe à la Sorbonne, puis elle est devenue documentaliste et a animé des ateliers d’écriture avec des enfants en difficulté scolaire. Depuis 2005, elle écrit et traduit des romans pour la jeunesse. Ses textes mettent en scène la vie quotidienne, la famille, les relations aux autres (et à soi). Pour en savoir plus : www.marie-leymarie.fr
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