
Macha ou l'évasion - 4 questions à Jérôme Leroy
#1 Macha-des-Oyats, la narratrice de votre roman, a 107 ans ! Pourquoi avoir choisi un personnage si âgé pour s’adresser aux jeunes d’aujourd’hui ?
Macha, par son âge, est en fait le témoin de ce que j’appelle le monde de la Fin, celui dans lequel vivent les jeunes d’aujourd’hui. Mais ce n’est pas la fin du monde pour autant ! Je pense au contraire que nous réussirons à faire advenir au bout du compte un monde bien meilleur, bien plus agréable à vivre et harmonieux. Et c’est dans ce futur utopique que Macha a eu la chance de vivre une grande partie de sa vie.
#2 Comment avez-vous imaginé et façonné ce monde de la Douceur, qui est terriblement séduisant pour le lecteur ? Les ZAD* qui existent déjà en sont-elles les prémisses ?
Je suis frappé par le côté extrêmement dur et pessimiste des romans qui imaginent notre avenir. J’ai eu envie, moi, de dire que d’autres scénarios étaient possibles. On appelle ça une utopie, mais ça n’a rien de péjoratif. Et je pense sincèrement que dans la période troublée, angoissante que nous vivons, il y a malgré tout des signes encourageants. Les ZAD en font partie, même si elles ne sont pas à envisager comme un « modèle », plutôt comme une possibilité à long terme de vivre mieux ensemble. La Douceur, c’est une vie communautaire mais sans contrainte. C’est un monde où l’autre en face de moi n’est plus systématiquement un concurrent, un adversaire. Un monde où il est au contraire impossible d’être heureux si on est heureux tout seul.
* ZAD : Zone d’Aménagement Différé, que les zadistes, qui les occupent, appellent « Zone À Défendre ».
#3 En quoi la jeunesse de Macha est-elle emblématique des dysfonctionnements du monde de la Fin ?
Macha est une lycéenne révoltée, dont la situation familiale est compliquée. Elle regarde ce qui se passe autour d’elle. Elle voit par exemple qu’une catégorie favorisée de la population, dont elle fait partie malgré elle, cherche à se mettre à l’abri dans des résidences sécurisées. Elle va rencontrer d’autres jeunes dont Karim, son amoureux, qui pensent comme elle. Cela la rassure un peu, mais ça n’empêchera pas le monde autour d’eux de s’écrouler, avant que quelque chose d’autre ne renaisse.
#4 Qu’incarne à vos yeux le Capitaine, ce personnage très ambigu et fascinant du monde de la Fin ?
Les personnages ambigus sont forcément les plus intéressants ! Personne n’est programmé à l’avance pour être bon ou méchant. On peut même parfois être les deux au cours d’une vie, voire les deux en même temps. Le capitaine est un ancien militaire qui s’occupe de la sécurité de la Résidence où la famille de Macha s’est retranchée. Mais il est fasciné par la révolte, le courage et l’intelligence de cette adolescente. C’est ainsi que Macha, presque malgré elle, lui fait comprendre que sa place est ailleurs, qu’il sera plus utile en agissant autrement. Le Capitaine, pour moi, c’est l’image même d’une force inouïe qui, selon les circonstances, peut basculer du côté de la violence égoïste ou au contraire se mettre au service de la liberté d’autrui.