
Lou, après tout - 5 questions à Jérôme Leroy
Lou, après tout est un roman d’anticipation qui emmène le lecteur de notre monde actuel vers un monde postapocalyptique auquel on croit dur comme fer. Quel était votre projet ?
J’avais envie d’abord, tout simplement, de raconter la fin du monde. Ou plutôt la fin d’un monde, le nôtre. Je fais en effet le pari que l’humanité ne va pas disparaître, qu’elle va continuer à survivre dans un univers hostile, difficile, parfois épouvantable. Mais il ne tiendra qu’à ces survivants de le reconstruire autrement, en évitant de reproduire les erreurs du passé. C’est toute l’histoire de Lou dont la particularité est d’être née juste avant la catastrophe. Elle n’a connu que l’horreur et pourtant, malgré les épreuves qu’elle traverse, elle va refuser de perdre espoir. Si le monde post-apocalyptique que je décris peut sembler très réaliste, c’est parce que je le construis à partir du nôtre, aujourd’hui ; à partir des dangers qui le menacent ici et maintenant. Des dangers écologiques, des dangers politiques mais aussi d’autres qui sont peut-être moins visibles mais qui me semblent tout aussi inquiétants : une tendance de plus en plus fréquente à fuir une réalité effrayante en se réfugiant dans une vie virtuelle où les réseaux sociaux comme les jeux vidéo jouent un rôle envahissant, sans compter le recours aux drogues plus ou moins légales ou aux médicaments psychotropes pour tenir le coup. Le Grand Effondrement, finalement, je le raconte comme un aboutissement logique de ce que nous vivons tous déjà aujourd’hui.
Les chapitres dans lesquels vous racontez les heures qui suivent l’effondrement complet de la civilisation sont d’un grand réalisme. Votre travail d’auteur de polar a-t-il aussi nourri ce roman ?
Il est vrai que les auteurs de polar, comme ils s’intéressent à la réalité, savent en général bien rendre compte de l’état de la société, dire quelles sont les difficultés ou même les violences que rencontrent les jeunes et les moins jeunes : une violence sociale avec des inégalités qui se creusent, un sentiment de précarité, une inquiétude sur l’avenir. En imaginant comment le monde s’effondre dans une vingtaine d’années, je n’ai fait que décaler dans le temps la description de ces violences et de ces peurs contemporaines, et la manière dont les personnages en sont victimes ou au contraire refusent la résignation, ce qui est le cas de Lou et Guillaume.
Lou et Guillaume ont une quinzaine d’années d’écart : comment est né ce duo si soudé ?
Le duo est né pendant la nuit de la Grande Panne, que je situe le 15 juin 2040. Quand tout se dérègle à toute vitesse, Guillaume, qui a à peine dix-huit ans, est amené à recueillir une petite fille de cinq ou six ans, Lou. C’est Guillaume qui la nomme ainsi car elle a refoulé toute sa vie antérieure à cause des horreurs qu’elle a traversées. En fait, en sauvant Lou, Guillaume se sauve lui-même, trouve une raison de vivre dans ce monde post-apocalyptique. Et dans les treize années qui vont suivre, Guillaume et Lou vont vivre en symbiose. Il sera tout pour elle : un père, une mère, un grand frère. Il lui apprendra à lire, il la renseignera sur le monde d’avant, il lui apprendra à survivre et à se battre. Et plus le temps passe, plus les rôles s’inversent : c’est Lou qui devient mieux adaptée que Guillaume et, d’une certaine manière, c’est elle quiva essayer de le protéger. Ils sont à la fois complémentaires et fusionnels.
Le monde d’après l’Effondrement est effroyable, et pourtant il y a de la douceur dans la vie que mènent Lou et Guillaume. Comment est-ce possible ? Cela tient-il à votre vision de l’humain ?
Je pense que dans les pires des situations, il y a moyen d’aménager des espaces de douceur. Même quand ils ont faim, même quand ils sont blessés, attaqués, assiégés ou en fuite, Lou et Guillaume savant apprécier ce qui reste de la beauté du monde : se baigner dans une rivière et se sécher au soleil, lire de la poésie, admirer un paysage maritime. C’est leur manière à tous les deux de rester humains dans un univers qui ne l’est plus. Cette douceur, finalement, elle leur permet de résister autant que les armes dont ils ne doivent jamais se séparer.
Deux autres tomes sont en préparation. L’univers si noir de votre tome 1 peut-il contenir les germes d’un avenir heureux ?
Je ne veux rien révéler ! Mais sur l’ensemble des trois tomes, on verra comment Lou, précisément, va participer à la construction d’un monde meilleur, d’une utopie concrète et réussie. Il y aura donc un happy end. Mais avant, il faudra traverser d’autres grosses épreuves, notamment dans le tome 2.
Né à Rouen le 29 août 1964, Jérôme Leroy est un écrivain français auteur de romans, de romans noirs, de romans pour la jeunesse et de poésie. Il a été professeur de français dans différents collèges du Nord, pendant près de vingt ans. Après un premier roman, il découvre le néo-polar par l’intermédiaire de Frédéric Fajardie. Jérôme Leroy est l´auteur du livre Le Bloc (Gallimard, 2011) qui met en scène un parti d’extrême droite, nommé le « Bloc Patriotique ». En 2017, il est le co-scénariste du film de Lucas Belvaux, Chez nous, adapté de son ouvrage. Son dernier roman, La petite Gauloise, est paru à la Manufacture de livres en 2018. Aux éditions SYROS, on lui doit une Souris Noire – La princesse et le Viking – deux romans en Rat Noir : La grande môme (2007) et Norlande (2013) primé à de nombreuses reprises, un hors collection, Macha ou l’évasion (2016) et un Mini Soon + Les filles de la pluie (2018).
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