Fondue au noir, 4 questions à Hervé Jubert
L'auteur Hervé Jubert nous parle de son nouveau polar culinaire Fondue au noir, à découvrir dès 14 ans.
• Comment l'idée de ce roman est-elle née ? Pourquoi avez-vous choisi l'univers de la gastronomie ?
L'idée m'est venue en écoutant des ados s'échanger des recettes de cuisine à la sortie d'un lycée. Ados plus cuisine ? Intéressant... J'ai creusé la question, je me suis rendu dans un lycée pro, j'ai suivi une brigade de CAP dans la fabrication d'un dîner festif pour le restaurant d'apprentissage. D'ailleurs, j'ai repris le menu pour Fondue au noir... Cette découverte a été le véritable déclencheur. Il m'a suffi de regarder travailler la brigade et leur Chef - je ne les remercierai jamais assez ! - pour savoir que mon prochain roman se déroulerait dans ce milieu. Donc, je me suis lancé. Et ça a été un régal, du début - recherches de vocabulaires, de scènes, de personnages - à la fin, quand je me suis rendu compte que les seuls maîtres à bord, eh bien, c'étaient les personnages.
Je me suis aussi fait plaisir. Je voulais découvrir un univers dont j'ignorais tout. Et j'ai été servi ! Même le lexique du monde de la cuisine - verbes d'action, ustensiles, ingrédients - est inédit pour un écrivain qui a surtout œuvré dans le polar, l'aventure ou le fantastique. C'est un monde sensible, ultra riche en possibilités, sans frontières géographiques, tourné vers la vie. Ça bosse dur autour des fourneaux, et il faut de l'énergie, du courage, de l'opiniâtreté et de l'inventivité à celles et ceux qui veulent devenir chefs. Ce sont des artistes ! Je cherchais cette énergie, cette envie, pour la retransmettre au lecteur.
• Lola, votre héroïne, a perdu la parole à l'âge de 10 ans. Comment fait-on exister une héroïne mutique dans un roman ? Pouvez-vous nous parler d'elle et de vos autres personnages, dont l'humanité touche aussitôt le lecteur ?
Lola ne parle pas. Plutôt, elle a arrêté de parler, un été, sans qu'on sache pourquoi. Je voulais un personnage principal avec un handicap, et ça a fait tilt quand je l'ai trouvé. Cela m'a aussi forcé à user d'un mode de narration particulier, à la fois proche et lointain. Bref. Lola s'est avérée dès les premières pages être un personnage touchant et fascinant à faire exister. Comment s'exprime-t-elle ? Comment exprimer ses sentiments quand le don de la parole vous a été retiré sur un claquement de doigts ? Surtout dans une brigade d'apprentis cuistots ? C'est un défi quotidien qu'elle relève avec brio. Même si, parfois, c'est dur.
Heureusement pour elle, Lola est bien entourée. Il y a sa famille, ses camarades de brigade... Certains lui veulent aussi du mal. C'est fatal quand on brille dans sa catégorie. Et Lola, dans cette histoire, prend des coups. Je ne la ménage pas. Un des aspects du travail d'écrivain que je préfère est d'accompagner les personnages. Plutôt, de les suivre. Avec ce roman, ils étaient vraiment là, les gentils comme les méchants : Lola, Mattéo, Georges, Louna, Tic et Tac, la Boss et son garde du corps... Et puis Lucie, la fille de la patronne de l'auberge où Lola fait son apprentissage. Lucie a pris une importance considérable durant l'écriture. En fait, les personnages me dictaient leurs actions. Ils étaient vivants.
• Fondue au noir est un roman qui va vite, qui surprend sans cesse, où les rebondissements s'enchaînent. Il a de nombreux ingrédients du polar (vol d'une truffe d'une valeur considérable, empoisonnement, enquête, enlèvement spectaculaire...). Comment le définiriez-vous ?
La mention "Polar gastronomique" me va très bien. Même so je mettrais le mot polar au second plan. Il y est quand même beaucoup question de cuisine, de jalousie, de compétition, de lâcheté, d'amour... Nous suivons ces secondes en CAP cuisine dans le Périgord. Ils passent du collège au lycée pro, deux montes qui n'ont rien à voir. Ils vont participer à une émission de téléréalité, avec la pression que cela suppose. La mort va les frôler, aussi. Je pense que c'est surtout un roman d'apprentissage et que son maître-mot est : énergie.
• Que diriez-vous à un jeune lecteur, une jeune lectrice, pour lui donner envie de lire Fondue au noir ?
Fondue au noir est un roman joyeux, vivant, étonnant. Surtout, comme je le disais, c'est un roman d'apprentissage, dédié à un univers qui exige une bonne dose de passion. Je suis convaincu que le travail, la vie professionnelle, doivent rimer avec plaisir. C'est pourquoi je n'ai de cesse de dire aux ados que je rencontre : accomplissez vos rêves ! Si vous vous plantez, c'est pas grave. Au moins, vous aurez essayé !
Enfin, j'ai eu beaucoup de plaisir à écrire ce roman qui est aussi un polar avec ses rebondissements, son suspense, ses fausses pistes. J'ai tremblé avec Lola et Lucie. J'ai cuisiné en leur compagnie... J'espère que vous aurez autant de plaisir à partager ces moments en tant que lecteurs ! Sur ce, je vous souhaite un bon appétit !
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