
Comprendre, aimer, défendre le conte ! # épisode 1
Le conte s’adresse à tous :
Aux fleurs, aux arbres, aux rochers, aux montagnes, à l’eau, à l’aurore, à la mer, aux nuages, à la foudre, qui sont les personnages vivants des récits. L’oranger magique ne grandit-il pas et ne rapetisse-t-il pas au son de la voix de l’héroïne du conte ? Aux papillons et aux animaux qui parlent et chantent et agissent dans les récits qui les mettent en scène. J’ai personnellement raconté aux vaches de Pougne-Hérisson, et en ai ressenti une grande émotion, elles semblaient si attentives.
Le conte s’adresse aux humains :
Qui rêvent les yeux fermés, les yeux ouverts, et donne toute liberté à leur imagination. Qui s’émerveillent en toute innocence et en toute candeur. Qui ne rejettent pas leur « archaïsme » sous-jacent. Qui écoutent. Qui se questionnent sur la vie et la mort. Qui ont peur et qui vont au bout de leur peur. Qui souffrent et cherchent à se soigner. Qui savourent les trésors de la langue, de la musique des mots, des images et de la poésie. Qui ne sont pas étouffés par le rationnel et expriment leurs émotions. Qui sont sensibles à la voix du conteur et à son rayonnement. Qui aiment se divertir en groupe ou individuellement. Qui se souviennent et dont la mémoire ne demande qu’à revenir si elle s’est endormie. Qui s’identifient aux héros des contes, aux situations et aux épreuves qu’ils subissent. Qui ont de la mémoire, donc de la culture. Qui savent ce que les contes représentent pour eux. Qui sont sensibles à la magie des histoires. Qui s’offrent des temps de latence en dehors de l’agitation de la consommation. Qui croient aux dieux, aux mythes et au sacré malgré le matérialisme ambiant. Qui ont l’audace d’être subversifs. Qui refusent de croire que l’art du conte puisse être un outil. Enfin à tous ceux qui ne croient à rien de tout cela mais qui un jour, peut-être, y croiront.
Le conte s’adresse aux conteuses et aux conteurs :
Qui ont un besoin impérieux de conter pour eux-mêmes avant toute autre chose, car ils sont les héros de leur propre histoire, de leur propre conte. Qui ont eu l’audace de prendre la parole, parole qui ne craint pas d’être poétique ni subversive. Qui s’adonnent à l’art de la parole pour l’art, avec humilité, respect et générosité, et dans la plus grande innocence. Qui transmettent les versions orales et/ou écrites des contes qui les habitent.
Le conte s’adresse au public, à l’auditoire, aux spectateurs, aux lecteurs :
Public des enfants qui ont toutes les audaces et toutes les grâces de l’émerveillement et de l’imagination pour vivre le conte. Public des adolescents qui traversent les turbulences du doute, tiraillés entre le refus de quitter l’enfance et l’attrait de l’adulte. Public des adultes qui se cachent sous une carapace de certitudes mais qui gardent en eux leur jardin secret sans forcément le cultiver. Public des jeunes retraités qui, projetés hors du cadre professionnel, s’interrogent sur leur devenir et leur utilité dans un monde qui cesse soudain d’être uniquement matérialiste et des personnes âgées encore valides qui découvrent l’art de bien vieillir ou qui le refusent... L’idéal serait d’échapper à la fragmentation et que toutes les classes d’âge confondues puissent célébrer et partager les bienfaits du verbe, chacun y puisant ce qu’il lui faut pour son bonheur. Que vive l’utopie du partage intergénérationnel dans le monde où nous vivons ! Le conte s’adresse à l’énergie vitale enracinée au plus intime des choses et des êtres animés.
De Mimi Barthélémy : Crapaud et la clef des eaux et Cours de grimpette
Pour suivre la conteuse : www.mimibarthelemy.com