Claire Mazard nous parle de Le chemin à l'envers
L'autrice, Claire Mazard, nous en dévoile un peu plus sur l'écriture de son roman Le chemin à l'envers.
• Parvenue à l'âge adulte, Anne, votre héroïne, comprend qu'elle a passé toute son existence à chercher quelqu'un, sans le savoir. Et que cette sensation de manque a conditionné toute sa vie. De qui s'agit-il ?
Anne, l'héroïne, effectivement, a ressenti toute sa vie un vide, le manque d'une personne qu'elle a cherchée sans en avoir vraiment conscience. Il s'agit d'une femme qui s'est occupée d'elle jusqu'à ses deux ans et demi. Elle ne peut s'en rappeler puisqu'il est impossible à un être humain d'avoir des souvenirs datant de ses trois premières années. Elle comprend peu à peu que cette dame, dont on ne lui a rien dit et qui reste pour elle une inconnue, a eu une importance capitale.
• Pour retrouver cette femme, Anne se lance dans une enquête vitale pour elle, sans avoir aucun indice au départ. L'ampleur de la tâche est vertigineuse. En quoi ce roman dont la matière est intime prend-il alors une tournure de polar ?
Anne, au début, n'a aucun indice si ce n'est le souvenir d'une photo représentant une dame grande, mince, élégante dans un jardin.
Le roman, plutôt intimiste, prend une tournure de polar parce qu'il y a un secret autour de la naissance d'Anne, et un mystère : Qui est cette inconnue qui s'est occupée d'elle dans sa petite enfance ? Il est vrai aussi qu'Anne mène véritablement une enquête. Dans le mas immense que ses parents habitaient, elle va trouver, éparpillés, cachés, des documents, des photos, des objets. Elle va les "autopsier", les analyser, les recouper, dresser leur A.D.N, les faire parler.
Peu à peu, elle reconstituera le passé. Elle fera même appel...à un détective professionnel. Et, comme dans un polar, arrive un moment où tout s'explique. Tout s'éclaire.
• Le chemin à l'envers semble inspiré de votre propre vie. Ce roman est-il pour vous une forme d'aboutissement ? L'histoire que vous racontez imprégnait-elle déjà vos romans précédents ?
Oui, ce roman est une forme d'aboutissement. Si je devais en avoir écrit un seul, je voudrais que ce soit celui-ci. Je me suis demandé, après l'avoir fini, si j'écrirai encore.
Et puis l'envie m'est revenue. Et j'espère écrire longtemps encore. Parce que j'ai des choses à dire aux jeunes. Parce que les mots continuent de m'aider à vivre. En fait, Le chemin à l'envers est un aboutissement et aussi un départ. Le thème de l'absence d'un être aimé imprégnait déjà mes romans précédents. Notamment L'Absente, qui traite de la naissance sous x.
Pour la couverture de ce roman, l'illustrateur, pour traduire la double absence - celle de la mère pour l'enfant, et celle de l'enfant pour la mère - a eu une idée que j'aime énormément : un petit ours en peluche, seul dans une pièce, et qui tend les bras.
Dans Le chemin à l'envers, comme dans nombreux de mes romans précédents, il y a aussi le thème de la difficulté à communiquer et le désir de rendre hommage aux personnes qui ont compté dans une vie.
• Pourquoi avez-vous souhaité vous adresser à un lectorat adolescent ? Que diriez-vous à un lecteur, une lectrice, pour lui donner envie d'ouvrir votre roman ?
Le chemin à l'envers s'adresse à un lectorat adolescent et de jeunes adultes, même si l'héroïne, la narratrice, est une "très très grande adulte". Mais il s'adresse aussi - et autant - à un lectorat adulte. Ce qui confirme que la frontière entre littérature jeunesse et littérature adulte n'existe pas vraiment. Enfin, c'est mon avis. On peut tout dire aux jeunes mais quand il écrit pour la jeunesse, un auteur, selon moi, a une contrainte : ne pas désespérer le lecteur. Même si le roman est grave, dur, douloureux... le lecteur, la lectrice doit refermer le livre en étant heureux-se de sa lecture. Et en ayant confiance en la vie.
Le chemin à l'envers, je crois, donne confiance en la vie. Je voudrais que les jeunes, en le refermant, aient également confiance en eux-mêmes. Pour terminer, j'ai envie de citer des vers de Paul Eluard, tirés de son poème La nuit n'est jamais complète (dans son recueil de poèmes Le Phènix) : "La nuit n'est jamais complète. Il y a toujours puisque je le dis [...] une main tendue, une main ouverte." C'est l'histoire du Chemin à l'envers.
L'autrice
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