5 Questions à Patrick Bard
Une interview autour de son dernier roman Young Adult Le Secret de Mona.
1• Parlez-nous de Mona, votre personnage : comment l’avez-vous imaginée, créée ? Pourquoi elle ?
En 2000, en voyage aux USA, j’ai lu un article sur un fait divers similaire, jusqu’à un certain point. J’ai gardé cette histoire en mémoire, en me disant qu’un jour… J’avais aussi envie de créer un personnage d’adolescente forte et responsable, loin des stéréotypes d’ados véhiculés par les médias. Une petite « Mère courage ». Je n’ai pas eu à chercher bien loin l’inspiration. J’enseigne. Certaines de mes étudiantes, bien ballottées par la vie, ressemblent à Mona. Comme beaucoup d’adolescentes de milieux précaires, mon héroïne a grandi très vite.
2• Le lecteur est saisi dès le premier chapitre par un sentiment d’urgence, le suspense et la tension vont croissant jusqu’au bout. En quoi ce roman de société est-il aussi un polar ?
L’écrivain que je suis vient du polar. C’est ma culture. Ma façon d’écrire en découle. L’enquête, les ressorts romanesques, le suspense relèvent du polar. Plus simplement, le polar, c’est, de toute façon et surtout en France, une littérature sociale, une littérature d’urgence.
3• Votre roman mêle présent et passé, mensonge et vérité, réalité avérée ou reconstruite… Comment avez-vous construit ce génial puzzle narratif ?
Cette technique narrative repose essentiellement sur les renversements de points de vue. C’est ce qu’on appelle en littérature le « narrateur incertain ». La construction est venue en écrivant. À chaque carrefour important, je me suis posé la même question : « Et si… ? »
4• Vous nous montrez l’engrenage très concret de la précarité, les mécanismes qui conduisent à être expulsé du reste de la société… Avez-vous enquêté ? Auprès de qui ?
La misère en campagne est moins visible que dans les villes. Mais en tant qu’élu en milieu rural ces six dernières années, j’ai été au contact de ces réalités. Je suis aussi allé parler avec des femmes du mouvement des Gilets Jaunes aux ronds-points, qui m’ont raconté leur parcours, souvent bouleversant, et j’ai enquêté auprès de gendarmes de terrain. J’ai également lu sur la question…
5• En quoi ce roman concerne-t-il tous les adolescents ?
Près de quatre familles monoparentales sur dix vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté, plus de 2,8 millions d’enfants sont en situation de pauvreté. 85 % des familles monoparentales ont à leur tête une femme. Tous ces chiffres sont en augmentation. Beaucoup d’adolescents grandissent dans ces familles. Et je suis certain que les jeunes se sentent concernés par ce que vivent leurs semblables, parfois même plus que les adultes.
L'auteur
Patrick Bard est romancier, écrivain-voyageur et photojournaliste. Les frontières et la question des femmes sont au centre de son travail. Son premier roman, La frontière, a reçu le prix Michel Lebrun (2002), le prix Brigada 21 (Espagne, 2005) et le Prix Ancres Noires 2006. Il est l’auteur de six romans aux éditions du Seuil. Orphelins de sang, sur le trafic d’enfants en Amérique latine, a été récompensé par le prix Sang d’encre des lycéens 2010 et le prix Lion noir 2011. En 2015, il a publié Poussières d’exil (Seuil), couronné par le prix 1001 feuilles noires, et Mon neveu Jeanne (Loco), un essai documentaire sur la question du genre. Aux éditions Syros, il est l’auteur de Et mes yeux se sont fermés (2016) et de POV (2018).
Ses autres livres chez Syros