5 questions à Fred Dupouy sur Love Suprême
« Il y a du comique jusque dans les pires circonstances, et le percevoir, c'est une manière de rester optimiste, de garder toujours espoir. »
Découvrez l'interview de Fred Dupouy autour de l'écriture de son dernier roman, Love Suprême, où à quelques jours du bac de français, Éric ne parle plus que...anglais ! Un jeune homme à la recherche de ses origines, à découvrir en librairie dès le 05 mai.
• Comment vous est venue cette idée d'un lycéen qui se met tout à coup à parler merveilleusement bien anglais, mais perd son français ?
Un vieux barbu m'est apparu et il m'a dit... Non, en fait, je ne me souviens plus d'où vient l'idée. Ce qui est sûr, c'est qu'au départ, je ne savais absolument pas comment ce garçon allait se sortir de cette situation très inconfortable. Il m'a fallut plusieurs réécritures du roman pour y parvenir.
• Comment fait-on pour passer le bac de français sans parler français ?
En effet, Éric perd son français quelques jours avant l'épreuve orale, alors qu'il est en pleines révisions. Dans ces conditions, réussir à l'examen, c'est bien sûr mission impossible. Il commence donc par passer en revue toutes les façons d'y échapper : panne d'oreiller, maladie, accident volontaire, alerte à la bombe... Finalement, il se décide pour un pari très risqué : dans sa liste de textes, il en choisit un. Un seul. En s'aidant d'un traducteur en ligne, il élabore un commentaire qu'il apprend par cœur. Sa liste compte vingt-quatre titres, il a donc une chance sur vingt-quatre de s'en tirer.
Évidemment, le jour de l'examen, il tombe sur un autre texte...
• Quand Éric part en Angleterre (à Brighton), c'est d'abord pour lui une délivrance. Quelles surprises l'attendent là-bas ?
Ce séjour linguistique, prévu de longue date, tombe on ne peut mieux pour lui, et il part avec l'idée de passer trois semaines plutôt cool. Famille d'accueil sympa, chouette ville en bord de mer, découverte des plaisirs du pub... tout roule. Et dans une boutique de disques, il rencontre Claire, une Anglaise de son âge : coup de foudre ! Malheureusement, quelques jours plus tard, elle doit partir en vacances dans l'Essex. Il fait une fugue pour la rejoindre.
C'est autour de cette histoire d'amour, dans un de ces télescopages dont le destin a le secret, que l'occasion va lui être donnée de lever le voile sur les raisons de la disparition de sa langue de tous les jours au profit d'un anglais parfait.
• Éric est aussi guitariste dans un groupe de rock : en quoi la musique est-elle l'un des fils conducteurs de l'histoire ?
Une première réponse, c'est que la musique est un fil conducteur de ma propre vie. Paradoxalement, j'ai du mal à écrire sur la musique, ça ne va pas tout seul. C'est difficile pour un écrivian d'aborder un sujet qui le passionne, car on a tendance à être technique, à trop entrer dans les détails, au risque d'ennuyer les lecteurs qui ne partageraient pas cet intérêt.
Mais, si on trouve la juste mesure, ça devient un atout. Quand je travaillais sur les scènes où Éric répète un morceau avec son groupe, je prenais ma guitare et je jouais le morceau en question, de façon à être capable de parler de la position des doigts sur le manche, de la manière dont on peut obtenir telle ou telle note, avec quel effet, etc. Et lorsque Éric joue sans médiator pour imiter Wilko Johnson, un guitariste qu'il admire, et qu'il se retrouve avec les doigts en sang, c'est aussi du vécu. C'est avec des détails de ce genre qu'on parvient à donner corps à une passion ; il faut de la chair et, c'est presque fatal, un peu de sang aussi. Pour prendre un autre exemple, si je lis un roman dont le héros ou l'héroïne est ornithologue (une autre de mes passions), j'ai besoin, pour y croire, de voir que le personnage a de réelles connaissances sur les oiseaux, et aussi des réflexes de spécialistes, des choses qu'on ne peut apprendre qu'en faisant du terrain. Bref, j'aime que ce soit à la fois documenté et bien senti. Sinon ça m'agace.
Pour en revenir à Éric, son attirance pour le rock constitue une clé du roman. Elle est non seulement en rapport avec son problème de langues, mais il va découvrir que son histoire personnelle est liée à la musique à un point qu'il était loin de soupçonner.
• Que diriez-vous à un jeune lecteur, une jeune lectrice, pour lui donner envie de lire votre roman ?
Love suprême est mon livre le plus abouti, celui qui m'a demandé le plus de travail et de temps : plusieurs versions successives, une écriture étirée sur trois ans, des heures passées en Angleterre avec Google Earth (maintenant, je connais Brighton comme ma poche, c'est quand vous voulez pour la visite guidée). Surtout, j'ai pris beaucoup de plaisir à entraîner cet adolescent ordinaire dans une aventure assez tragique — perdre sa langue, c'est bien sûr perdre un aspect essentiel de son identité, c'est comme se perdre soi-même, en tout cas Éric est totalement dépassé par la situation — sans que jamais il ne se départisse de cet humour, ce regard un peu ironique sur lui-même. Il y a du comique jusque dans les pires circonstances, et le percevoir, c'est une manière de rester optimiste, de garder touours espoir.
Et puis penser à l'amour, parler d'amour, chercher l'amour, éventuellement le trouver... c'est irrésistible, non ?
L'auteur
Fred Dupouy habite le Sud-Ouest de la France, dans une ferme pleine d'animaux. Le jour, il est prof dans une école pleine d'enfants ; la nuit, il chante, joue de la basse et fait trembler les murs avec le groupe de rock Tarakings. Il est l'auteur de romans junior parus en presse, notamment chez Bayard Jeunesse, et de la série Flopsy chez Talents Hauts. Chez Syros, il a publié en 2019 le roman Quintland, qui raconte l'incroyable destin des cinq premières quintuplées, nées au Canada en 1934.
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