
5 questions à Christophe Lambert
L'auteur nous parle de son dernier roman Si tu vois le wendigo.
1 • Parlez-nous de votre héros, David : il a 13 ans et il sait déjà qu'il sera écrivain, il porte sur le monde un regard d'une singulière acuité... Y a-t-il un peu de vous dans ce personnage ?
Oui, sans aucun doute. On écrit sur ce qu'on connaît. Il y a souvent des héros romanciers chez Stephen King, et on trouve beaucoup de juristes chez John Grisham. J'aime bien, d'ailleurs, lorsque King, émaille ses histoires de petites touches personnelles : ressenti sur l'acte créatif, réception des oeuvres par le lecteur, secrets de fabrication, etc. J'ai toujours été très créatif, d'aussi loin qu'il m'en souvienne, comme le personnage principal (ce qui ne veut pas dire talentueux, d'ailleurs, entendons-nous bien). Raconter des histoires a toujours été mon moteur dans la vie. Une nécessité. C'est comme ça. Et pour l'anecdote, je vivais durant mon adolescence dans une banlieue pavillonnaire en bordure d'une forêt, dans les Yvelines. On était en plein dans les années 80 (ambiance Stranger things), et pas dans les années 50, mais je n'ai pas eu trop de mal à imaginer le décor du présent roman. L'anecdote du cri inhumain entendu dans les bois, en compagnie du meilleur ami, est authentique !
2 • Pourquoi avoir situé votre histoire à la fin des années 50, dans l'Etat de Washington, aux Etats-Unis ? Ces années-là sont-elles charnières à vos yeux ?
Les années 50, c'est l'innocence, la foi naïve en une société censée rendre les gens heureux grâce au confort matériel... Cela fait écho avec la fin de l'innocence du héros qui va passer de l'enfance à l'adolescence. Donc l'aspect charnière historique résonne avec l'épopée individuelle. Et comme l'un des autres axes dramatiques du roman consistait à traquer les bizarreries des uns et des autres derrière la vitrine sociale, il fallait une décennie très « propre sur elle ». Les années 60 ou 70, cela aurait été trop « destroy » comme toile de fond. Je pense aussi que cette période historique évoque à mes yeux le très beau et très mélancolique film Stand by me (d'après la nouvelle Le corps de Stephen King), qui brasse des thèmes similaires.
3 • Magnifique histoire d'un amour impossible, récit fantastique, roman d'apprentissage...comment définiriez-vous Si tu vois le wendigo ?
C'est un peu tout ça, oui ! Je dirais que c'est le film Un été 42 (un ado qui tombe amoureux d'une femme de 40 ans), mais scénarisé par Stephen King (pour le côté fantastique) et mis en scène par David Lynch (pour l'atmosphère un peu...décalée). Enfin, au final, j'espère que ça reste aussi « du Lambert », si je puis dire !
4 • Le wendigo effraie et envoûte à la fois, il n'est "ni gentil ni méchant", comme il est dit dans le roman. Que représente-t-il dans votre histoire ? Et l'étonnant lapin nain qui lui sert d'interprète ?
Je pense qu'il a la même fonction dramatique que le cimetière des animaux dans Simetierre, le roman de Stephen King qui m'a énormément marqué quand j'étais jeune lectteur... C'est une espèce de génie qui exauce tous les voeux, mais aux risques et périls de celui ou celle qui les a formulés. Pour le visuel de la créature, j'ai dû être influencé par le film Donnie Darko. Peut-être que le lapin traducteur vient de là également ? Peut-être qu'il vient d'Alice (au pays des merveilles) ? Honnêtement, je ne sais pas comment cette idée m'est venue. Je voulais créer un truc à la fois inquiétant et iconoclaste. Les scènes avec le wendigo et le lapin doivent évoquer l'ambiance de la « black lodge » dans Twin Peaks...
5 • Que diriez-vous à vos lectrices et lecteurs, pour leur donner envie de lire votre roman ?
Je leur dirais que Si tu vois le wendigo est, après presque 25 ans de carrière, le roman dont je suis le plus fier, celui que je considère comme le plus abouti... mais je ne suis sans doute pas très objectif ! J'espère que les futurs lecteurs et lectrices seront émus, captivés, secoués... Qui sait ? J'ai peut-être passé un pacte pour les ensorceler, la nuit, dans une forêt, avec une créature étrange ?
L'auteur